Titre : Par trois fois trois
Auteur : Gavin (Participant 12)
Pour : Le Cube Gélatineux (Participant 28)
Fandom : La Citadelle Noire
Persos/couple : Dubhain/Caith, mentions de Nuallan/Caith
Rating : Allez, un petit PG-13 pour relations homosexuelles
Disclaimer : La Citadelle Noire est un excellent bouquin de C.J. Cherryh, et aucun des personnages ne m’appartient, pas plus que l’univers.
Prompt : Caith et Dubhain, mentions possibles de Nuallan/Caith vu que Caith est un peu victime de l’amour universel. Caith est trop blessé pour pouvoir courir partout comme d’habitude en se faisant mutiler/trahir/blesser davantage/autre, Dubhain en profite pour le soigner et le mindfucker amoureusement.
Notes : J’espère ne pas trahir ton prompt, toussa toussa… Et désolée, c’est un peu court v_v
Il délirait. Il le savait il était en plein délire. Sûrement la fièvre. Il ne comprenait pas, il était en train de passer d’un Gleann à l’autre, il n’arrivait même pas à se souvenir des noms, il était passé par la montagne, un col détrempé par des jours de pluie. Il se souvenait d’un éboulement. Des cailloux qui avaient roulé sous ses pieds. Malgré le tissu épais de son kilt et de son manteau, il avait sûrement été blessé. En tout cas il avait mal. Et il était trempé. Il se souvenait qu’il était trempé. Tellement trempé qu’il ne pouvait pas se lever. Peut-être qu’il avait une jambe cassée. Peut-être que son manteau était trop lourd, terriblement lourd.
Il avait appelé Dubhain une fois, deux fois, trois fois. Il ne s’était pas montré. Maudit Pooka. Maudit, maudit Dubhain. Il allait encore devoir l’appeler. Trois fois trois fois. Mais il allait falloir qu’il sache où il se trouvait. Il n’était plus mouillé mais il grelottait, malgré l’épaisse couverture de laine sur ses épaules. La fièvre le dévorait.
DUBHAIN !
Une main fraiche, réconfortante sur sa joue. Des yeux sombres, avec un éclat rouge au fond des prunelles, plongés dans les siens. Des doigts fins et habiles qui dégageaient les mèches rousses de son front. Maudit Pooka.
Oh, Caith, mon beau, mon doux Caith… Tu ne pensais pas que j’allais t’abandonner, n’est-ce pas ?
Il leva une main tremblante et noua la main dans la chemise blanche de Dubhain, caressant du pouce des mèches noires et sauvages, sauvages comme la lueur au fond des yeux du Sidhe noir, sauvages comme le cheval noir qui filait comme le vent, laissant la folie prendre le pas sur ses instincts. L’Each Uisge. Le Pooka qu’on lui avait offert.
Dubhain, coassa-t-il d’une voix qui même à ses propres oreilles semblait inquiétante. Aide-moi.
Bien sûr sur je vais t’aider, mon puissant, mon magnifique Caith… Mais dis-moi… Est-ce que tu m’aimes ?
Sois maudit Dubhain !
Ça ne me donne pas envie de t’aider. Je peux partir et te laisser.
Tu ne peux pas.
Je le peux. Le Draiocht est fort ici.
Le Draiocht. La magie noire. La seule chose qui pouvait être plus forte que le Geas qui les liait. Moragacht le lui avait appris.
Tu es trop intelligent pour que sa marche deux fois sur toi, Dubhain… Tu es tellement plus intelligent que ça… le cajola-t-il, tentant d’obtenir l’indulgence de son versatile compagnon par la flatterie.
Dis-moi, Caith… Est-ce que tu m’aimes ?
Impossible. Il était impossible. Quand il avait une idée fixe, rien ne lui faisait changer d’avis.
Oui Dubhain, je t’aime ! Sois maudit ! Aide-moi maintenant !
Tu devrais faire attention aux malédictions que tu lances, Caith fils de Sliabhin, le parricide.
Sur ces mots, le Pooka déposa un baiser sur les lèvres du malade et Caith sombra dans l’inconscience.
Il est là. Le Seigneur blanc aux mains de lys. Il est magnifique, auréolé de lumière, sur son cheval blanc. Magnifique encore lorsqu’il met pied à terre, et s’approche de lui.
Alors Caith tombe à genoux pour le vénérer comme il le doit, le beau, le cruel, le juste Nuallan, le Seigneur aux mains de lys. Nuallan tend les mains, les deux. Caith hésite et le pose dans les siennes.
Tu as mal, Caith ? demande-t-il en penchant la tête de côté, l’air sincèrement curieux.
Oui Seigneur Nuallan.
Si je fais disparaître ta douleur, tu m’aimeras, Caith mac Sliabhin ?
Je vous aime déjà, Seigneur.
Et il le pense. C’est le paradoxe du Seigneur Blanc. Il l’aime, oh oui, il l’aime. Il l’aime presque autant qu’il le déteste. Presque. Il essaie de retirer ses mains mais la poigne du Seigneur Blanc est d’acier. Nuallan serre les os déjà douloureux de ses poignets, et la brûlure de la clef dans sa main lui cause une douleur si aigue qu’elle le met à genoux.
Dis-moi à quel point tu m’aimes, Caith mac Sliabhin.
Je vous aime presque autant que je vous déteste….
Le Seigneur blanc a une moue contrariée.
Voilà qui n’est pas très respectueux. Tu oublies que je suis un Seigneur Sidhe, Caith le parricide. Tu oublies aussi tout ce que j’ai fait pour toi…
Je n’oublie rien, Seigneur Nuallan.
Alors dis-moi encore une fois. Dis-moi combien tu m’aimes…
Trois fois. Que les Sidhes soient maudits, trois fois.
C’est le cas, Seigneur.
Nuallan a un sourire glacial.
Dis-le, Caith mac Sliabhin, et tes douleurs disparaîtront.
Je vous aime.
Le Seigneur blanc embrasse ses lèvres.
Il ouvrit les yeux brusquement. Des mains fraiches le repoussèrent sur sa couche. La douleur avait bel et bien disparu, mais la fièvre, elle, était toujours là, brouillant sa vision, le rendant légèrement délirant. Etait-ce possible ? Le Seigneur aux mains de lys pouvait-il visiter ses rêves ? Le Sidhe Daoine pouvait-il le guérir où qu’il se trouve ?
Il se tança lui-même. Il n’était pas bon de douter ainsi des pouvoirs du Seigneur Blanc. Il était fort. Il était puissant. Il était plus puissant que Moragacht dans son propre domaine, alors dans les rêves de celui qui lui appartenaient…
Il leva les yeux vers celui qui le maintenait sur la couche. Dubhain. Dubhain n’était pas parti et il en concevait un soulagement totalement irrationnel. Dubhain le fou volage, Dubhain le Pooka sauvage, Dubhain le Sidhe épris de liberté. Son seul et unique compagnon, enchaîné à lui par le Geas du Sidhe blanc. Dubhain et ses maudits dons, Dubhain le cheval fou, Dubhain et son comportement destructeur.
Une de ses mains se posa sur le cou découvert du Pooka, le maintenant près de lui. Il était froid, si froid… Ou peut-être était-ce Caith qui était brûlant…
Les mains fraîches portèrent de l’eau pure à sa bouche et il étancha sa soif sans se poser de question tandis que Dubhain caressait son visage avec ce qui ressemblait à s’y méprendre à de la tendresse. Dubhain pouvait être tendre. Quand l’envie lui en prenait.
Il dégagea à nouveau des mèches rousses collées de sueur du front du parricide pour y déposer un baiser.
Hey Caith, mon vaillant, mon puissant Caith. Tu ne peux pas laisser cette fièvre t’achever… Pense à ton frère, si loin, si fragile, fils de Sliabhin…
Maudit sois-tu, Dubhain.
Tu veux que je parte ? Je pars.
Il attrapa le Sidhe par la manche. Maudites soient ses humeurs. Maudites soient leurs humeurs à tous les deux.
Non, je t’en prie, reste.
Le Pooka aurait pu se dégager de sa faible étreinte, il était fort, bien plus fort que Caith, même au meilleur de sa forme. Au lieu de cela il se tourna vers lui, un éclat ardent illuminant les tréfonds de son regard aussi charbonneux que ses yeux.
Alors dis-moi encore que tu m’aimes.
Cith soupira.
Deux fois.
Je t’aime, Dubhain.
Alors repose-toi, mon beau, mon doux Caith.
Un baiser sur ses lèvres le renvoya dans les limbes.
Le Seigneur blanc aux mains de lys est devant lui. Il est à genou sur le sol mouillé de féérie, comme il se doit. La splendeur de Nuallan demande au moins ça. Il descend de son cheval et prend ses mains.
C’est un long chemin que tu as fait, Caith, fils de Sliabhin. Es-tu fatigué ?
Fatigué ? Bien sûr qu’il l’était. Ereinté. Usé. L’ombre de ce qu’il avait été.
Oui, Seigneur.
Je vais te donner un peu de repos, alors. M’aimes-tu, fils de Sliabhin ?
Je vous aime, Seigneur.
Le Seigneur sur met en marche. Il le suit. Il est trop fatigué pour discuter, trop fatigué pour réfléchir. La question du Sidhe Daoine a fait s’abattre des années d’errance sur ses épaules et il est épuisé, il veut voir le bout du chemin.
Le Seigneur aux mains de lys s’arrête devant un étang, et lui fait signe d’avancer. Il s’exécute, et regarde le monde des vivants. Son frère est un homme maintenant. Un homme respecté, et il règne avec justice et sagesse. Le mal du pays lui dévore les entrailles, à lui, le vagabond.
Tu vois, je suis un homme de parole, mac Sliabhin. Tous les Sidhes tiennent leur parole. Il est heureux, n’est-ce pas ?
Oui, Seigneur. Il est heureux.
Voilà qui est bien. M’aimes-tu pour cela ?
Je vous aime.
Le Seigneur Nuallan sourit. Il est satisfait. Il entre dans l’eau, laissant le tissu blanc qui le couvre coller à ses jambes fines et effilées. Et il est beau. Il est la plus belle chose que Caith ait jamais pu contempler, alors que ses parures de tissu tombent une à une dans l’eau, laissant le Seigneur nu à la lumière de la lune. Les cicatrices des roses de Moragacht marquent encore la peau parfaite, mais bientôt elles ne seront plus là. Le Seigneur blanc est fort. Bien plus fort que la Dame noire dans sa Citadelle noire dans le Loch noir. Ici les eaux sont claires, comme sont à nouveau claires les eaux du Guagach.
Un jour, Caith, ton âme coupable sera aussi claire que ces eaux, aussi claire que les eaux du Guagach. Viens près de moi, fils de Sliabhin…
Il tend la main et Caith ose à peine la prendre alors que le Sidhe le tire vers lui. Il n’a rien de la grâce du Seigneur blanc. Il patauge péniblement malgré ses chaussettes, puis son kilt détrempés. Il lui fait face. Le Seigneur blanc lui désigne l’eau entre le cercle de leurs bras, alors que leurs mains libres se joignent, et qu’il entrelace ses doigts rudes et calleux aux doigts fins et blancs.
Regarde-le. Regarde-le tant que tu le pourras. Gorge-toi d’espoir et purifie ton âme.
Caith s’exécute, le souffle court, le cœur inondé de bonheur. Un jour son âme sera purifiée comme les eaux du Guagach, et ce jour-là, il le reverra, ce frère qui grandit loin de lui.
M’aimes-tu, Caith… ? souffle le Sidhe.
Je vous aime, répond-il sans réfléchir.
Les lèvres fraiches se posent sur les siennes, et il s’enfonce dans l’étang, il se noie dans ce qui pourrait être.
Il prit une grande inspiration, et quelqu’un passa un tissu mouillé sur son front. Le sang battait à ses tempes, à ses oreilles, il était épuisé alors qu’il était resté couché et trempé par la fièvre dans la chaude couverture de laine.
Il avait déliré. Le Sidhe Daoine, Nuallan aux mains de lys, ne se serait pas déplacé deux fois pour lui.
Shhhhhhht, Caith, shhhhhht… Tes cris vont alerter de mauvais esprits…
A tâtons, il chercha le visage de celui qui parlait, et ses doigts se nouèrent dans la chevelure noire et emmêlés de Dubhain. Dubhain était resté auprès de lui. Il ne l’avait pas laissé seul.
Cher Dubhain, si cher Dubhain, murmura-t-il.
Oh Caith, tu délires…
Tu es resté… Tu resteras, Dubhain ?
Je ne sais pas. Peut-être que la fièvre te tuera. Oui, elle te tuera si je n’y fais rien.
Je ne peux pas mourir, Dubhain, tu le sais. C’est ma malédiction.
Encore mieux, tu seras éternellement fiévreux. Et moi je partirai.
Ne pars pas, Dubhain. Je t’en prie, je t’en supplie, mon beau Dubhain…
Le Pooka passa à nouveau un linge humide sur son front.
Je ne sais pas… M’aimes-tu, Caith ?
Je t’aime, Dubhain ! Reste !
Un dernier baiser sur ses lèvres.
Il n’avait pas réfléchi. Le voile qui obscurcissait ses pensées se leva d’un coup, comme sa fièvre, alors que le rire de Dubhain envahissait la pièce. Un rire malin, mauvais. Le rire satisfait du Sidhe noir.
Par trois fois trois fois, tu m’aimes, Caith mac Sliabhin ! C’est la force du Geas qui nous lie !
Trois fois trois fois. Le chiffre sacré. Le plus puissant des Geas. Mais il n’avait dit à Dubhain qui l’aimait que trois fois.
Seulement trois fois, Dubhain.
Trois fois trois, rappelle-toi. Rappelle-toi du Seigneur blanc…
Le Seigneur blanc. Le Seigneur aux mains de lys. Nuallan. Le Sidhe Daoine. Qui parlait avec la voix de Dubhain murmurant à son oreille, et lui, pauvre fou, n’avait pas du déjouer un piège pourtant si simple à cause d’une fièvre qui n’existait pas.
Dubhain sortit de la pièce en riant et il s’élança à sa poursuite. Une cheville foulée. Sa chute ne lui avait valu qu’une cheville foulée. Il clopina après le Sidhe noir, jurant entre ses dents, maudissant le sort et Dubhain à chaque éclair de douleur que lui envoyait sa cheville.
Dubhain ! Dubhain réponds-moi !
Le Pooka continuait à s’éloigner en riant, en se riant de lui.
Par mon amour professé par trois fois trois fois, tu dois me répondre, fieffé menteur ! pesta-t-il.
Dubhain s’arrêta et pencha la tête, les yeux dangereusement rouges, hors de portée de la main ou de l’épée de Caith.
Comment, Dubhain. La fièvre, Nuallan… Comment as-tu fait ?
Le Pooka éclata de rire.
Draiocht et Geas, Caith mac Sliabhin, répondit-il avant de s’éloigner d’un pas sautillant. Draiocht et Geas…
Auteur : Gavin (Participant 12)
Pour : Le Cube Gélatineux (Participant 28)
Fandom : La Citadelle Noire
Persos/couple : Dubhain/Caith, mentions de Nuallan/Caith
Rating : Allez, un petit PG-13 pour relations homosexuelles
Disclaimer : La Citadelle Noire est un excellent bouquin de C.J. Cherryh, et aucun des personnages ne m’appartient, pas plus que l’univers.
Prompt : Caith et Dubhain, mentions possibles de Nuallan/Caith vu que Caith est un peu victime de l’amour universel. Caith est trop blessé pour pouvoir courir partout comme d’habitude en se faisant mutiler/trahir/blesser davantage/autre, Dubhain en profite pour le soigner et le mindfucker amoureusement.
Notes : J’espère ne pas trahir ton prompt, toussa toussa… Et désolée, c’est un peu court v_v
Il délirait. Il le savait il était en plein délire. Sûrement la fièvre. Il ne comprenait pas, il était en train de passer d’un Gleann à l’autre, il n’arrivait même pas à se souvenir des noms, il était passé par la montagne, un col détrempé par des jours de pluie. Il se souvenait d’un éboulement. Des cailloux qui avaient roulé sous ses pieds. Malgré le tissu épais de son kilt et de son manteau, il avait sûrement été blessé. En tout cas il avait mal. Et il était trempé. Il se souvenait qu’il était trempé. Tellement trempé qu’il ne pouvait pas se lever. Peut-être qu’il avait une jambe cassée. Peut-être que son manteau était trop lourd, terriblement lourd.
Il avait appelé Dubhain une fois, deux fois, trois fois. Il ne s’était pas montré. Maudit Pooka. Maudit, maudit Dubhain. Il allait encore devoir l’appeler. Trois fois trois fois. Mais il allait falloir qu’il sache où il se trouvait. Il n’était plus mouillé mais il grelottait, malgré l’épaisse couverture de laine sur ses épaules. La fièvre le dévorait.
DUBHAIN !
Une main fraiche, réconfortante sur sa joue. Des yeux sombres, avec un éclat rouge au fond des prunelles, plongés dans les siens. Des doigts fins et habiles qui dégageaient les mèches rousses de son front. Maudit Pooka.
Oh, Caith, mon beau, mon doux Caith… Tu ne pensais pas que j’allais t’abandonner, n’est-ce pas ?
Il leva une main tremblante et noua la main dans la chemise blanche de Dubhain, caressant du pouce des mèches noires et sauvages, sauvages comme la lueur au fond des yeux du Sidhe noir, sauvages comme le cheval noir qui filait comme le vent, laissant la folie prendre le pas sur ses instincts. L’Each Uisge. Le Pooka qu’on lui avait offert.
Dubhain, coassa-t-il d’une voix qui même à ses propres oreilles semblait inquiétante. Aide-moi.
Bien sûr sur je vais t’aider, mon puissant, mon magnifique Caith… Mais dis-moi… Est-ce que tu m’aimes ?
Sois maudit Dubhain !
Ça ne me donne pas envie de t’aider. Je peux partir et te laisser.
Tu ne peux pas.
Je le peux. Le Draiocht est fort ici.
Le Draiocht. La magie noire. La seule chose qui pouvait être plus forte que le Geas qui les liait. Moragacht le lui avait appris.
Tu es trop intelligent pour que sa marche deux fois sur toi, Dubhain… Tu es tellement plus intelligent que ça… le cajola-t-il, tentant d’obtenir l’indulgence de son versatile compagnon par la flatterie.
Dis-moi, Caith… Est-ce que tu m’aimes ?
Impossible. Il était impossible. Quand il avait une idée fixe, rien ne lui faisait changer d’avis.
Oui Dubhain, je t’aime ! Sois maudit ! Aide-moi maintenant !
Tu devrais faire attention aux malédictions que tu lances, Caith fils de Sliabhin, le parricide.
Sur ces mots, le Pooka déposa un baiser sur les lèvres du malade et Caith sombra dans l’inconscience.
Il est là. Le Seigneur blanc aux mains de lys. Il est magnifique, auréolé de lumière, sur son cheval blanc. Magnifique encore lorsqu’il met pied à terre, et s’approche de lui.
Alors Caith tombe à genoux pour le vénérer comme il le doit, le beau, le cruel, le juste Nuallan, le Seigneur aux mains de lys. Nuallan tend les mains, les deux. Caith hésite et le pose dans les siennes.
Tu as mal, Caith ? demande-t-il en penchant la tête de côté, l’air sincèrement curieux.
Oui Seigneur Nuallan.
Si je fais disparaître ta douleur, tu m’aimeras, Caith mac Sliabhin ?
Je vous aime déjà, Seigneur.
Et il le pense. C’est le paradoxe du Seigneur Blanc. Il l’aime, oh oui, il l’aime. Il l’aime presque autant qu’il le déteste. Presque. Il essaie de retirer ses mains mais la poigne du Seigneur Blanc est d’acier. Nuallan serre les os déjà douloureux de ses poignets, et la brûlure de la clef dans sa main lui cause une douleur si aigue qu’elle le met à genoux.
Dis-moi à quel point tu m’aimes, Caith mac Sliabhin.
Je vous aime presque autant que je vous déteste….
Le Seigneur blanc a une moue contrariée.
Voilà qui n’est pas très respectueux. Tu oublies que je suis un Seigneur Sidhe, Caith le parricide. Tu oublies aussi tout ce que j’ai fait pour toi…
Je n’oublie rien, Seigneur Nuallan.
Alors dis-moi encore une fois. Dis-moi combien tu m’aimes…
Trois fois. Que les Sidhes soient maudits, trois fois.
C’est le cas, Seigneur.
Nuallan a un sourire glacial.
Dis-le, Caith mac Sliabhin, et tes douleurs disparaîtront.
Je vous aime.
Le Seigneur blanc embrasse ses lèvres.
Il ouvrit les yeux brusquement. Des mains fraiches le repoussèrent sur sa couche. La douleur avait bel et bien disparu, mais la fièvre, elle, était toujours là, brouillant sa vision, le rendant légèrement délirant. Etait-ce possible ? Le Seigneur aux mains de lys pouvait-il visiter ses rêves ? Le Sidhe Daoine pouvait-il le guérir où qu’il se trouve ?
Il se tança lui-même. Il n’était pas bon de douter ainsi des pouvoirs du Seigneur Blanc. Il était fort. Il était puissant. Il était plus puissant que Moragacht dans son propre domaine, alors dans les rêves de celui qui lui appartenaient…
Il leva les yeux vers celui qui le maintenait sur la couche. Dubhain. Dubhain n’était pas parti et il en concevait un soulagement totalement irrationnel. Dubhain le fou volage, Dubhain le Pooka sauvage, Dubhain le Sidhe épris de liberté. Son seul et unique compagnon, enchaîné à lui par le Geas du Sidhe blanc. Dubhain et ses maudits dons, Dubhain le cheval fou, Dubhain et son comportement destructeur.
Une de ses mains se posa sur le cou découvert du Pooka, le maintenant près de lui. Il était froid, si froid… Ou peut-être était-ce Caith qui était brûlant…
Les mains fraîches portèrent de l’eau pure à sa bouche et il étancha sa soif sans se poser de question tandis que Dubhain caressait son visage avec ce qui ressemblait à s’y méprendre à de la tendresse. Dubhain pouvait être tendre. Quand l’envie lui en prenait.
Il dégagea à nouveau des mèches rousses collées de sueur du front du parricide pour y déposer un baiser.
Hey Caith, mon vaillant, mon puissant Caith. Tu ne peux pas laisser cette fièvre t’achever… Pense à ton frère, si loin, si fragile, fils de Sliabhin…
Maudit sois-tu, Dubhain.
Tu veux que je parte ? Je pars.
Il attrapa le Sidhe par la manche. Maudites soient ses humeurs. Maudites soient leurs humeurs à tous les deux.
Non, je t’en prie, reste.
Le Pooka aurait pu se dégager de sa faible étreinte, il était fort, bien plus fort que Caith, même au meilleur de sa forme. Au lieu de cela il se tourna vers lui, un éclat ardent illuminant les tréfonds de son regard aussi charbonneux que ses yeux.
Alors dis-moi encore que tu m’aimes.
Cith soupira.
Deux fois.
Je t’aime, Dubhain.
Alors repose-toi, mon beau, mon doux Caith.
Un baiser sur ses lèvres le renvoya dans les limbes.
Le Seigneur blanc aux mains de lys est devant lui. Il est à genou sur le sol mouillé de féérie, comme il se doit. La splendeur de Nuallan demande au moins ça. Il descend de son cheval et prend ses mains.
C’est un long chemin que tu as fait, Caith, fils de Sliabhin. Es-tu fatigué ?
Fatigué ? Bien sûr qu’il l’était. Ereinté. Usé. L’ombre de ce qu’il avait été.
Oui, Seigneur.
Je vais te donner un peu de repos, alors. M’aimes-tu, fils de Sliabhin ?
Je vous aime, Seigneur.
Le Seigneur sur met en marche. Il le suit. Il est trop fatigué pour discuter, trop fatigué pour réfléchir. La question du Sidhe Daoine a fait s’abattre des années d’errance sur ses épaules et il est épuisé, il veut voir le bout du chemin.
Le Seigneur aux mains de lys s’arrête devant un étang, et lui fait signe d’avancer. Il s’exécute, et regarde le monde des vivants. Son frère est un homme maintenant. Un homme respecté, et il règne avec justice et sagesse. Le mal du pays lui dévore les entrailles, à lui, le vagabond.
Tu vois, je suis un homme de parole, mac Sliabhin. Tous les Sidhes tiennent leur parole. Il est heureux, n’est-ce pas ?
Oui, Seigneur. Il est heureux.
Voilà qui est bien. M’aimes-tu pour cela ?
Je vous aime.
Le Seigneur Nuallan sourit. Il est satisfait. Il entre dans l’eau, laissant le tissu blanc qui le couvre coller à ses jambes fines et effilées. Et il est beau. Il est la plus belle chose que Caith ait jamais pu contempler, alors que ses parures de tissu tombent une à une dans l’eau, laissant le Seigneur nu à la lumière de la lune. Les cicatrices des roses de Moragacht marquent encore la peau parfaite, mais bientôt elles ne seront plus là. Le Seigneur blanc est fort. Bien plus fort que la Dame noire dans sa Citadelle noire dans le Loch noir. Ici les eaux sont claires, comme sont à nouveau claires les eaux du Guagach.
Un jour, Caith, ton âme coupable sera aussi claire que ces eaux, aussi claire que les eaux du Guagach. Viens près de moi, fils de Sliabhin…
Il tend la main et Caith ose à peine la prendre alors que le Sidhe le tire vers lui. Il n’a rien de la grâce du Seigneur blanc. Il patauge péniblement malgré ses chaussettes, puis son kilt détrempés. Il lui fait face. Le Seigneur blanc lui désigne l’eau entre le cercle de leurs bras, alors que leurs mains libres se joignent, et qu’il entrelace ses doigts rudes et calleux aux doigts fins et blancs.
Regarde-le. Regarde-le tant que tu le pourras. Gorge-toi d’espoir et purifie ton âme.
Caith s’exécute, le souffle court, le cœur inondé de bonheur. Un jour son âme sera purifiée comme les eaux du Guagach, et ce jour-là, il le reverra, ce frère qui grandit loin de lui.
M’aimes-tu, Caith… ? souffle le Sidhe.
Je vous aime, répond-il sans réfléchir.
Les lèvres fraiches se posent sur les siennes, et il s’enfonce dans l’étang, il se noie dans ce qui pourrait être.
Il prit une grande inspiration, et quelqu’un passa un tissu mouillé sur son front. Le sang battait à ses tempes, à ses oreilles, il était épuisé alors qu’il était resté couché et trempé par la fièvre dans la chaude couverture de laine.
Il avait déliré. Le Sidhe Daoine, Nuallan aux mains de lys, ne se serait pas déplacé deux fois pour lui.
Shhhhhhht, Caith, shhhhhht… Tes cris vont alerter de mauvais esprits…
A tâtons, il chercha le visage de celui qui parlait, et ses doigts se nouèrent dans la chevelure noire et emmêlés de Dubhain. Dubhain était resté auprès de lui. Il ne l’avait pas laissé seul.
Cher Dubhain, si cher Dubhain, murmura-t-il.
Oh Caith, tu délires…
Tu es resté… Tu resteras, Dubhain ?
Je ne sais pas. Peut-être que la fièvre te tuera. Oui, elle te tuera si je n’y fais rien.
Je ne peux pas mourir, Dubhain, tu le sais. C’est ma malédiction.
Encore mieux, tu seras éternellement fiévreux. Et moi je partirai.
Ne pars pas, Dubhain. Je t’en prie, je t’en supplie, mon beau Dubhain…
Le Pooka passa à nouveau un linge humide sur son front.
Je ne sais pas… M’aimes-tu, Caith ?
Je t’aime, Dubhain ! Reste !
Un dernier baiser sur ses lèvres.
Il n’avait pas réfléchi. Le voile qui obscurcissait ses pensées se leva d’un coup, comme sa fièvre, alors que le rire de Dubhain envahissait la pièce. Un rire malin, mauvais. Le rire satisfait du Sidhe noir.
Par trois fois trois fois, tu m’aimes, Caith mac Sliabhin ! C’est la force du Geas qui nous lie !
Trois fois trois fois. Le chiffre sacré. Le plus puissant des Geas. Mais il n’avait dit à Dubhain qui l’aimait que trois fois.
Seulement trois fois, Dubhain.
Trois fois trois, rappelle-toi. Rappelle-toi du Seigneur blanc…
Le Seigneur blanc. Le Seigneur aux mains de lys. Nuallan. Le Sidhe Daoine. Qui parlait avec la voix de Dubhain murmurant à son oreille, et lui, pauvre fou, n’avait pas du déjouer un piège pourtant si simple à cause d’une fièvre qui n’existait pas.
Dubhain sortit de la pièce en riant et il s’élança à sa poursuite. Une cheville foulée. Sa chute ne lui avait valu qu’une cheville foulée. Il clopina après le Sidhe noir, jurant entre ses dents, maudissant le sort et Dubhain à chaque éclair de douleur que lui envoyait sa cheville.
Dubhain ! Dubhain réponds-moi !
Le Pooka continuait à s’éloigner en riant, en se riant de lui.
Par mon amour professé par trois fois trois fois, tu dois me répondre, fieffé menteur ! pesta-t-il.
Dubhain s’arrêta et pencha la tête, les yeux dangereusement rouges, hors de portée de la main ou de l’épée de Caith.
Comment, Dubhain. La fièvre, Nuallan… Comment as-tu fait ?
Le Pooka éclata de rire.
Draiocht et Geas, Caith mac Sliabhin, répondit-il avant de s’éloigner d’un pas sautillant. Draiocht et Geas…